Le 8 novembre 2024, le groupe français JIRO a dévoilé Elevate Spirit, son tout premier EP, qui s’impose déjà comme une référence sur la scène métal.
Avec ses sonorités mêlant énergie brute et sophistication progressive, cet opus navigue habilement entre douceur et intensité, chant clair et scream. À travers cet album, JIRO délivre un message porteur d’espoir : une exploration des défaites et des peurs de la vie, offrant à l’auditeur une opportunité de se reconnaître, de se rassurer, et de se sentir moins seul. Ce contraste entre puissance sonore et profondeur émotionnelle est un paradoxe souvent présent dans le métal, mais que JIRO maîtrise avec brio.
Elevate Spirit marque un tournant pour le groupe : il s’agit de leur premier projet avec leur lineup officiel, après avoir travaillé sur d’autres morceaux avec une formation différente. L’alchimie entre les membres actuels transparaît nettement dans cet EP disponible sur toutes les plateformes.
Plutôt que de vous en dire davantage, nous préférons laisser Florian, Jonathan et Romain – respectivement guitaristes et chanteur de JIRO – vous en parler eux-mêmes à travers une interview que vous trouverez ci-dessous.
Pour conclure, nous vous invitons à venir découvrir JIRO sur scène au Charitable Metal Fest, le 21 décembre au Petit Bain, aux côtés de Solar Eruption et Dropdead Chaos. Une soirée à ne pas manquer – et on espère vous y voir nombreux !
INTERVIEW
Alors, pourquoi le nom de Jiro ?
F - Alors, c'est une question qui a plusieurs réponses. La première, c'est qu'on voulait un nom qui soit facile à retenir en quelques lettres, qui soit fédérateur, qui soit compréhensible par tout le monde. Et JIRO, c'est facile à retenir et facile à dire. Mais en fait, la petite histoire, c'est que le groupe a un an et demi, mais en fait, avec Jonathan, Benjamin et Thomas, on joue depuis très longtemps ensemble. Et on répétait dans le 93 au Blanc-Ménil, Rue du Général Giraud. Alors, c'est écrit G-I-R-A-U-D. Et c'est vraiment un lieu auquel on était attaché. On jouait dans le garage du batteur. Et la maison a été vendue. Et par nostalgie, on s'est dit bon ben... C'est Jonathan qui a trouvé l'idée de dire ‘’écoutez, on a passé toute notre adolescence à jouer ensemble dans ce garage là. Pourquoi pas en formant ce nouveau projet s'appeler Jiro ?’’ et on a trouvé ça rigolo et du coup on a gardé l'idée.
Comment vous définiriez-vous à quelqu'un qui n'a jamais écouté votre musique ?
R - C'est une bonne question.
J - Il y a tellement de possibilités mais je pense qu'on est vraiment un groupe estampillé métal avec des grosses influences metalcore et un affect particulier pour le riffing, donc en allant chercher des influences côté Lamb of God, le côté très brut en fait du riff de guitare. Avec un côté très moderne influencé par toute la scène anglaise et australienne aussi, donc While She Sleeps, Parkway Drive, Polaris, qui sont des grosses influences pour nous. Donc un côté très brut dans le riffing et très moderne dans l'écriture et dans les arrangements.
Est-ce que vous avez un mot pour définir votre EP ‘Elevate Spirit’ ?
R - Introspection.
J - C'est dur de choisir un mot. Mais si je devais en avoir qu'un, ce serait celui-là.
R - Introspection, qu’elle soit émotionnelle... mentale, sensorielle, vraiment il y a un aspect un peu global de cette introspection. Et selon comment les chansons évoluent de la première à la cinquième, il y a vraiment cet aspect de se comprendre soi-même, de comprendre les autres et d'essayer de refléter un peu de soi-même.
Et quel est le message de cet EP ?
R - Le message, pour résumer parce que c'est quand même très vaste, c'est vraiment l'aspect de ce qu'on a vécu personnellement ou avec d'autres personnes. Ce qu'on a vécu, ce qu'on vit en ce moment, ce qu'on vivra plus tard. Il y a vraiment cet aspect de comment on peut faire pour travailler sur soi-même. Que ce soit sur les chocs ou les traumatismes qu'on aurait pu avoir avant, sur des choses qu'on a du mal à gérer, sur des choses qu'on a du mal à traverser parfois. Et ce set-up raconte un peu tout ça à la fois avec toutes les chansons pour finalement un peu dé-diaboliser certains trucs, et réussir à débloquer des choses chez certaines personnes. Ça va peut-être leur parler quand ils vont lire le texte, quand ils vont écouter la chanson, et il y a vraiment cet aspect-là qui ressort beaucoup parce que j'avais envie de le faire, j'avais besoin de le faire. Et dans le groupe, en discutant avec les autres gars aussi, on s'est rendu compte que je n'étais pas tout seul à vouloir le faire. Et finalement, ça s'est fait naturellement. On a voulu finir par avoir ce message fort, en fait.
J - Il y a une phrase que j'aime bien, qui définit, je trouve, assez bien l’EP, c'est prendre de la hauteur. Prendre de la hauteur sur les choses qui nous arrivent, sur la place qu'on occupe dans la société, sur les émotions qu'on peut ressentir. Prendre du recul, de la hauteur sur les choses.
Et pourquoi avoir choisi Last to Remain pour introduire justement ce nouvel EP, cette nouvelle ère ?
J - En fait, ça s’inscrivait dans un contexte assez global de l'EP par rapport à la stratégie de sortie. On voulait avoir un premier single, puis un deuxième, puis ensuite l'EP. Et dans les choses qu'on voulait faire découvrir petit à petit au public, sachant que c'est forcément le public qui nous découvre, puisqu'on a un groupe qui est jeune. Nous on l'identifie vraiment comme notre premier projet ; il y a eu un premier EP mais qui n’est aujourd'hui plus disponible, parce que c'était fait avec un ancien chanteur, avec des compos qu'on ne joue plus aujourd'hui. On a vraiment refaçonné notre direction artistique, donc nous on le considère comme notre premier EP. Et on pensait que Last to Remain c'était vraiment un morceau qui montrait toute la palette de ce qu'on sait faire. Alors que là, on vient de sortir un deuxième single qui est beaucoup plus accessible, plus grand public. Mais dans Last To Remain, il y avait vraiment toute la palette de ce qu'on sait faire. Il y a du riff, il y a de la voix claire, de la voix saturée, il y a un passage clean, il y a du breakdown, il y a du solo… Il y avait vraiment tous les ingrédients de ce qu'on aime faire, de ce qu'on sait faire, de ce qu'on peut faire. Et on trouvait que c'était une belle entrée en matière avant de justement proposer d'autres versions de notre musique.
Quelle a été votre chanson préférée à enregistrer en studio ?
F - J'ai enregistré quasiment toutes les guitares de l'EP. Ça n'a pas été simple. Je peux dire que celle que j'ai le plus galéré à enregistrer, pas techniquement, mais plus dans le sens où je me suis pris la tête sur la production et sur comment j'allais faire c'est Last To Remain, justement. C'était celle pour trouver les sons, etc. Parce que j'ai produit les sons de l'album. Après je dirais que la plus simple à enregistrer ça a été, je pense, Enmity Spreads.
J - Celle que t'as préféré enregistrer ? Celle où tu as plus de kiff ?
F - Celle que j'ai pris plus de kiff à enregistrer ? En vrai, toutes ! Je dirais The Dread I Felt, quand même, mais toutes.
J - Moi, je dirais que celle que j'ai préféré enregistrer, c’est la seule que j’ai enregistrée. [rires] Effectivement, moi je ne suis pas intervenu dans l'enregistrement des guitares parce que Flo sait très bien le faire et qu'il n'y avait pas forcément d'intérêt à ce que je le fasse. C'est quand même toujours mieux d'avoir une seule personne qui enregistre toutes les parties guitare. Mais effectivement, j'ai enregistré Kairos, qui est la dernière de l'EP, qui est une chanson que j'ai composée il y a longtemps et ça avait donc du sens que je l'enregistre pour garder un certain groove qui me tenait à cœur au moment où je l'ai écrite et que je voulais qu'on retrouve aussi dans la chanson quelques années plus tard.
R - En tant que chanteur, c'est vrai qu'il y a eu Kairos vocalement parlant. Il y a plein de choses et du coup ça a été un plaisir de le record en studio parce qu'il y a beaucoup de choses, ça raconte beaucoup de trucs, mais pour le coup c'est qu'elle a à la fois été un plaisir, à la fois été un besoin pour moi, elle a aussi été un challenge parce que ça n'était pas simple du tout à la record. Et la première, Will I See You There ?, qui m'a demandé à la fois du plaisir, à la fois de… pas de la souffrance, c'est un grand mot, mais c'était dur et à la fois agréable de le faire.
Justement, on trouve dans votre son une balance entre ce groove et la brutalité du métal. Comment est-ce qu'en studio, vous arrivez à trouver l'équilibre entre les deux ?
J - Je pense que l'équilibre se trouve avant le studio, en fait. Le studio c'est là où on va matérialiser justement le travail artistique qu'on fait en amont. Et en vrai il n'y a pas vraiment de recette, je ne pense pas qu'on pourrait dire qu'on fait ça pour arriver à ça. C'est vraiment le fruit de beaucoup de travail, de réflexion, d'aller-retour, de compos aussi qui au final ont eu plusieurs vies parce que justement, on n'arrivait pas à trouver le groove qu'on aimerait valoriser dans notre chanson. Je pense que dans notre musique, on a une définition du groove qui nous appartient un petit peu et qui nous définit et qui, je pense, est encore amené à évoluer. On va chercher, comme on le disait au début de cette interview, quelque chose de très brut, très efficace à la Lamb of God, où il y a vraiment très peu d'artifice. Où vraiment tout passe dans le choix des notes, le choix rythmique qui est fait sur l'instrument directement et qu'on essaie de mettre en perspective avec une approche plus moderne, avec des sonorités justement qui sortent de celle de l'instrument. Et je pense que tout ça c'est vraiment un travail qui est fait pré-prod, en fait. Nous, ce dont on s'est rendu compte dans la production de cette EP, c'est qu'il fallait que les pré-prod soient déjà de très grande qualité pour que ça sonne derrière. Le studio, ça doit vraiment venir sublimer le travail qui est fait en amont, mais on savait déjà qu'il n'y allait pas avoir une magie qui allait s'opérer au studio, qu'elle devait déjà être présente au moment de la composition et de l'enregistrement des pré-prod, et que si elle n'était pas là, a priori, le studio allait pas faire de magie. Il fallait que ce soit là dès le début, donc je pense que c'est en amont que ça s'est fait, surtout.
Et tout à l'heure vous parliez d'introspection justement par rapport à l'album. Vous abordez des thèmes assez importants, la nostalgie, la colère… tout ce qui est émotion, finalement. Est-ce que pour vous c'était un exutoire ?
R - Je pense qu'il y aura des réponses selon les personnes effectivement en gros. Je sais que personnellement pour moi oui, c'est une espèce d'exutoire. Après c'est aussi comme ça que je compose, c'est aussi comme ça que je travaille. Je vais vraiment chercher des choses qui vont me parler personnellement ou que je vais percevoir, que je ressens, etc. que ce soit en termes d'émotions, de paroles, de tout ce qui est verbal ou non verbal. Et rapidement, c'est quelque chose que j'ai envie de poser sur le papier et donc d'écrire. Mais oui, pour le coup, là, il y a vraiment ce côté introspection. J'ai eu besoin de le faire parce qu'il y a eu pas mal de choses, bien des années avant, même quelques années avant l'écriture de cet EP où, justement, il y a eu besoin de mettre des choses sur un papier. Et ça a donné ce qui est là aujourd'hui. Donc, je suis à la fois content et à la fois aussi presque soulagé en mode “voilà, je pose ça, c'est presque plus à moi, maintenant chacun va pouvoir le lire, va pouvoir l'écouter et faire son propre imaginaire dans sa tête ou son propre ressenti par rapport à ce qu'il ou elle entend’’.
F - Effectivement, pour rebondir là-dessus, le plus important dans les paroles, même si c'est Romain qui les a écrites, c'est qu'on puisse s'identifier. Donc c'est vrai qu'on ne fait pas de paroles sur des dragons, du fantastique comme ce qu'on peut retrouver dans certains types de métal. Ce n'est pas trop notre tasse de thé, même si on en écoute, évidemment. J'aime beaucoup ce style de musique qui parle de choses fantastiques, etc. Mais c'est vrai que c'est important pour nous, alors on a vraiment cette volonté de dire ce qu'on ressent et du coup de proposer aux gens notre mode de vie et qu'ils puissent s'identifier aussi puisqu'on cherche à avoir la proximité avec le public, tout simplement. Et c'est important pour nous de développer ça au travers de notre musique.
J - Peut-être juste pour conclure aussi, c'est vrai que quand on fait de la musique anglophone, dans le métal surtout, c'est assez facile de prendre quelques raccourcis, d'avoir une musique très efficace, de poser un texte en fait qui… peu importe vraiment ce qu'il raconte, tant que la musicalité est là, ça passe. Moi j'écoute plein de groupes aussi où les paroles ne me transcendent pas forcément. Et je pense que dans Jiro, on a quand même toujours voulu aller chercher un peu ce truc-là. On a toujours, je pense, voulu dégager un message... Enfin, ne pas trahir qui on est, déjà. C'est-à-dire qu'on est des banlieusards, on est des mecs un peu lambda, quelque part, et on n'a pas envie de s'inventer une vie. Mais, toujours est-il qu'on a, alors certains aussi plus que d'autres, mais vécu des choses étranges qui nous bouleversent, des choses dures, voire même des choses traumatisantes. Et c'est de ça dont on a envie de parler, c'est-à-dire : se dire qu'on est des gens normaux, tout à fait normaux, mais ça nous a pas empêché d'avoir à affronter des choses dans la vie qui sont parfois extrêmement dures, et qui ressortent, qui refont surface en fait aujourd'hui, et se servir de ça pour avancer, faire le bien en soi et autour de soi. Donc c'est un message qu'on veut être assez positif, en tout cas on veut éviter d'être pessimiste et fataliste.
Et si votre EP était la bande-son d'un film ou d'un jeu vidéo, quel genre de film ou de vidéo ce serait ?
R - Ça dépend des chansons. Pour ma part, j'ai pris beaucoup de retard, je m'excuse pour tous les gamers, je viens de finir le Doom de 2016, et Mike Gordon, le God, le God ultime. On n'est pas autant dans le Doom musical que lui fait, qui est extraordinaire, mais musicalement, peut-être Kairos. Mais sur un jeu vidéo un peu plus spatial, quelque chose qui est dans l'univers un peu space opéra, c'est quelque chose qui me parlerait pas mal, donc après ça peut être pas mal de choses, sans vouloir rentrer dans le débat de Star Citizen, mais j'adore partir avec une idée particulière, mais on en parlera plus tard. Sinon, en film peut-être un peu moins, je sais pas trop. Je vais les laisser dire.
F - Comme on parle beaucoup d'introspection et aussi de relation un petit peu à l'autre. Je partirais plus sur The Last Of Us pour le coup. Et là je suis en train de jouer à Silent Hill 2. C'est un thriller psychologique, et j'aime beaucoup ce genre de truc là, et c'est vrai que ça me fait beaucoup penser à ça. Après, en termes de film, j'avoue, j'ai pas trop d'idées de trucs introspectifs.
R - Alors si, pour le coup, je vais revenir justement là-dessus. Je parlais du space opéra avec Kairos. Et justement, ce titre, on avait discuté un petit peu entre nous de la thématique que John avait déjà en tête, parce qu'il avait écrit les riffs, il avait écrit la guitare, par rapport à ça. Il avait une thématique liée au Kairos, donc je lui laisserai expliquer ce que c'est vraiment le “Kairos” en lui-même. Et en fait j'en ai parlé et je lui ai dit écoute c'est marrant mais il y a quelques jours j'ai regardé pour la énième fois Interstellar, qui est un chef-d'oeuvre incroyable et je me suis dit mais c'est ouf parce que j'ai fini le film et j'avais Kairos dans la tête. Je me suis dit mais c'est dingue tout ça, c'est vraiment collé en fait et clairement, le texte qui est écrit dessus et tout ce qui tourne, tourne en fait autour du Kairos. Et donc la thématique du Kairos, ça raconte un petit peu cette espèce de vision qu'a le personnage principal d'Interstellar, donc la petite fille, qui voit son père partir très loin dans l'espace et qui ne le revoit pas avant vachement longtemps. Et il y a vraiment cet aspect-là en fait qui est retranscrit dans les paroles de Kairos. Donc oui, je dirais Interstellar.
F - Pourquoi tu as spoilé ?
J - On peut espérer que tout le monde l'ait vu à priori.
F - Il y a 10 ans qu'il est sorti.
J - Si tu spoiles, celui qui ne l'a pas vu est fautif. [rire] Je n'aurai pas de meilleur proposition... Au grand désarroi de ceux qui me regardent, peut-être, mais... Tous les métalleux sont des gamers, j'ai l'impression, sauf moi.
R - Dit le gars qui vient de finir au God of War.
J - Oui, on m'a refilé une PS4… Mais je n'ai pas trop la culture du jeu vidéo pour être honnête. Mais je dirais Interstellar aussi.
Et pour terminer, est-ce que vous avez un message pour vos fans ?
J - Ce qu'on peut vous dire, c'est que l'EP qui va sortir, Elevate Spirit, on est très fiers. C'est le début d'une nouvelle aventure. On va juste être dans le kiff de le sortir, on s'est mis la pression en amont pour être sûr que tout se passe bien, qu'on le sorte dans de bonnes conditions. C'est chose faite, maintenant ça sort, on savoure chaque instant, on a des concerts qui arrivent juste après donc on va prendre le temps de bien kiffer sur scène avec ceux qui voudront venir nous voir et puis il y aura une suite forcément, on est dessus et on le fait pas par contrainte, on le fait parce qu'on kiffe faire de la musique ensemble et qu’on a, je pense, un bel avenir devant nous. En tout cas on va le saisir et on va prendre énormément de plaisir à le faire.
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