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Interview : Eden Bisiot
Photo : Eden Bisiot

PATRICK RONDAT

PATRICK RONDAT

Mai 2025

Près de 20 ans plus tard, Patrick Rondat revient avec un nouvel album 'Escape From Shadows', et il nous en parle !

Patrick Rondat revient avec un nouvel album intitulé Escape From Shadows. Lors d'une journée promotionnelle à Paris, nous avons eu la chance de le rencontrer et de lui poser quelques questions à propos de ce nouvel opus et bien d'autres ! 

Il y a plein de nouveautés récemment te concernant, mais il y a surtout ce nouvel album qui sortira le 30 mai, qui s'appelle Escape from Shadows.

Est-ce que tu peux nous en parler un peu et le définir avec un seul mot ?

Oh là là, c'est difficile. Le définir avec un seul mot, je crois que c'est moi. Je pense qu'il me représente en fait. C'est une grosse partie de ma vie avec les blessures, les difficultés et la sortie de cet album. Donc d'où le titre en fait, c'est de sortir d'une période qui a été hyper difficile et compliquée et d'arriver malgré tout avec tout ça, au bout d'un moment, à finaliser ça et à sortir un truc qui est personnel.


Donc la musique pour toi c'est un exutoire finalement.

Ouais, alors ce que je disais c'est pas forcément si tu veux… Clair. Parce que des fois les gens disent “t'es triste, tu fais des morceaux tristes ; t'es content, tu fais des morceaux joyeux…” Ça ne marche pas comme ça. Mais par contre le fait de créer, le fait de faire de la musique, de te sentir soutenu, de sentir une attente aussi, tu vois. Tu imagines ; ça fait 20 ans que je n'ai pas fait d'album et je suis même étonné qu'il y ait des gens qui s'en rappellent. Et qu'ils soient intéressés. Je trouve ça incroyable. Je ressens notamment depuis qu'on a commencé à diffuser à la fois la pochette et aussi le premier titre, énormément de retours positifs. Ça ne veut pas dire qu'on va en vendre des millions, mais ça veut dire que ça a fait plaisir à des gens. Je sens beaucoup de positif en retour. Alors, bon, tu le sais toujours un petit peu, mais quand même, t'as toujours des doutes aussi. Tu vois, tout le monde dit “ouais, mais il va être attendu”. Et tu dis oui, oui. Mais bon, je pense que pour le coup, c'est vrai.


Justement, tu parles du premier titre qui est sorti. Il est différent du titre d'ouverture et différent du titre éponyme de l'album. Alors pourquoi choisir celui-là ?

Alors j'aurais bien mis le premier titre, mais en même temps, je voulais garder des surprises. Je ne voulais pas griller mes plus belles cartouches, c'est-à-dire que je voulais quand même que lorsque les gens puissent découvrir des trucs et se dire “ah bah le premier titre non, je ne l’ai pas encore écouté, l'intro non plus, ah bah le deuxième non plus”... Donc qu'ils aient des bonnes surprises, pas uniquement tout découvrir. En plus, on avait un problème, c'est que si tu regardes le premier titre, il y a une intro et il y a le morceau, et en fait on a mis deux indexes, il y a l'ouverture et il y a le morceau, mais en fait c'est un même morceau, simplement j'ai mis deux indexes pour que les gens qui en ont marre d'écouter les synthés puissent attaquer directement. Et du coup on ne pouvait pas raccourcir, parce que sinon on coupait ou l'un ou l'autre. Et je ne voulais pas mettre le morceau sans l'intro, évidemment pas l'intro sans le morceau. Donc du coup celui-là c'était à la trappe. L'autre d'après, il y a une intro en son clair qui est un peu différente. Et donc voilà, les gens, ça ne va pas les perturber, je ne voulais pas leur mettre ça d'entrée. Et je me suis dit, pour le premier, c'est peut-être bien d'être sur un titre qui est le plus près de ce que j'ai déjà fait, qu’ils ne soient pas trop déroutés, tu vois. Et puis il est un peu concis, c'est pas un morceau trop long. Le deuxième qu'on va mettre, c'est Escape from Shadows. Donc là, on va rentrer un peu plus dans le vif du sujet. Là, ils vont commencer à suivre un peu le truc.


Et justement, pourquoi avoir choisi ce titre-là, qui est le sixième de l'album, comme titre éponyme ?

Alors c'est presque dans l'autre sens que ça a marché, j'avais le titre de l'album et j'ai choisi le morceau qui pouvait le représenter après. Alors ça aurait pu être un autre, c'est de l'instrumental, donc j'ai pas mal de morceaux avec des intros, des parties planantes, des thèmes un peu… Mais il y a un solo assez triste, assez lyrique vers la fin, qui correspond bien à ce que je voulais exprimer, donc rien que pour ça je l'ai choisi. Et le titre, c'était pour évoquer les parties difficiles de ma vie et en même temps, cette sortie sans mettre un truc trop plombé. Je voulais pas un truc trop sombre non plus.


Quand on fait des recherches sur toi, sur ta musique, sur ta carrière, on retrouve, cité comme tes influences, le métal, le jazz et le classique. Alors, pour toi, le métal et le jazz, est-ce que c'est deux sonorités très différentes, mais qui s'accordent ou est-ce que ça a quand même des points communs ?

Alors, c'est vraiment opposé au jazz et au classique. D’ailleurs, on met le jazz, mais moi, c'est plus le jazz rock qui m'a influencé que le jazz pur. J'en ai bossé, mais je ne suis pas un bon guitariste de jazz. Et ce n'est pas une musique qui m'a… Si tu veux, quand j'en jouais, quand j'avais bossé, le seul plaisir que je pouvais en retirer, c'est que j'y arrivais. Mais ce n'était pas un truc qui me touchait émotionnellement quand je le jouais. Faut aller vers ce qui te touche quand tu le fais. C'est-à-dire qu'il faut essayer, évidemment, parce que tu fais un style musical, tu essayes une minute, tu vas te rendre compte de rien. Mais quand t'as bossé à un moment donné dans un style, il faut savoir où tu te sens à ta place. C'est-à-dire que quand tu joues, tu te dis, “ça, c'est moi, je suis bien là”. Que ce soit des rythmiques de métal, de black metal ou du jazz ou peu importe, mais tu te dis “c'est moi, ça me correspond, ça correspond à ma personnalité”. Et le jazz rock me correspondait plus que le jazz. Alors il y a des connexions, mais moi finalement, je viens du hard rock - parce qu'à l'époque c'était pas du métal, c'était du hard rock - et en fait à l'époque c'était quoi ? C'était Van Halen, Rainbow, Deep Purple, Iron Maiden qui arrivaient, enfin tous ces trucs-là, et puis après Metallica a déboulé, et puis après tout le reste. Moi, ça fait partie de ma culture musicale, de mon univers. Quand j'étais plus jeune, si tu veux, je faisais partie des métalleux parce que tu allais au lycée ou au collège et c'était une espèce de petite communauté. Et en fait, on avait besoin de se retrouver entre nous. Et puis, voilà, c'était… Il y avait un côté familial et communautaire. Maintenant, à mon âge, j'ai moins besoin de ça. J'ai juste envie de faire de la musique qui me plaît. Alors j'ai évidemment ses racines avec le métal, je ne peux pas me refaire. Mais c'est pas… Voilà, maintenant, c'est plus un problème. Je fais de la musique comme je la sens. Si demain, je veux faire une musique… Je pourrais faire un album où il n'y a pas de guitare, en exagérant. C'est la musique qui m'intéresse.


Et comment définirais-tu ton style et ce que tu aimes faire justement ?

C'est compliqué parce qu'il y a plein de choses dedans. C'est à la fois, il y a un côté cinématographique, il y a un côté hard rock, il y a des côtés blues, il y a des côtés un peu classiques, il y a un côté progressif dans les compositions. Voilà, c'est un mélange de tout ça. Moi, je ne peux pas vraiment mettre d'appellation, de nom là-dessus. Je pense que c'est du hard rock progressif instrumental planant. [rires] Non, je n'en sais rien. Je te laisse, c'est ton boulot après tout.

[rires]


Justement, tu as parlé tout à l'heure du fait que c'était aussi suite à ton expérience et tout ça que tu avais fait cet album. Est-ce que tu as d'autres influences que ton expérience personnelle qui ont joué ?

Oui. En fait, la musique, c'est tout ce que tu as écouté. Quand t'es adulte comme toi, ce que t'es aujourd'hui c'est aussi tout ce que t'as vécu depuis que t'es gamine. Tu vois ce que je veux dire ? C’est comme moi. Ce que je suis aujourd'hui c'est ce que j'ai écouté. Ça part de mes racines, mais j'ai aussi écouté des trucs il y a 2 ans, 10 ans, 15 ans… et j'ai bossé d'autres choses, et en fait c'est un mélange entre ton ressenti, ta sensibilité, mais aussi ton vécu musical, ce que tu as joué, ce que tu as bossé, ce que tu as écouté des fois, même de manière fortuite. Tu as un pote qui te dit, “tiens, tu as écouté ça ?” et des fois tu ne réécoutes même pas, tu ne te rappelles même plus qui c'était, mais tu as eu un truc qui est resté dans la tête, dans l'oreille, et à un moment donné, peut-être que dans ta compo, tu vas ressortir un truc qui ne ressemblera pas forcément, mais ça va t'inspirer pour faire un truc dans l'idée, et tu n'en es pas forcément conscient. Donc moi, si tu veux, mon vécu ne m'a pas influencé tant que ça musicalement. C'est juste que ça a mis du temps à sortir et que ça a été compliqué.


Est-ce que ça va mieux aujourd'hui ?

Oui, ça va mieux.


C'est tout ce qui compte et je suis très heureuse de l'entendre.

En fait, je ne sais pas si tu voudras le mettre ou pas, mais en tous les cas, j'ai perdu ma femme après 30 ans de vie commune d'un cancer. Il a fallu affronter à la fois la maladie, puis la fin, le décès de la personne, puis retrouver ta vie avec tes mômes, et puis rebondir, survivre, rencontrer quelqu'un, retrouver du positif. C'est tout ça. En plus, c'est quelqu'un avec qui j'étais depuis que j'étais jeune, qui avait connu toute mon évolution musicale, qui avait une super oreille, qui m'a poussé aussi à faire ce que j'ai fait. C'était une page qui se tournait. C'était un peu difficile de faire un album sans elle, parce qu'en fait, pour tous mes albums, elles avaient été là. Donc ça a été un peu compliqué.


D'accord, je suis bien désolée de l'entendre. Et je vous souhaite plein de bonnes choses à venir et plein de bonnes choses aussi concernant cet album parce que j'ai eu la chance de l'écouter et je peux vous dire que franchement, il n'a rien à envier aux autres.

Ça t'a parlé ?


Oui, totalement !

Merci, c'est cool, ça fait plaisir.


Pour en revenir à tes influences, on parlait du classique, j'aimerais en venir au dernier titre de l'album. Dans un premier temps déjà, est-ce que tu le vois plus comme un titre bonus ou comme l'outro de l'album ?

Plus comme un outro, après c'est vrai que comme j'ai fait pas mal de pièces classiques déjà, c'était un peu ce qui m'embêtait si tu veux, c'est qu’il y a eu le presto de Vivaldi que j'ai fait, j'avais fait un album avec un pièce classique… Au début je m'étais dit je ne vais pas le mettre parce que je ne vais pas faire le coup du morceau classique à chaque fois. Je trouvais ça un peu redondant, un peu lourdingue. Et puis en même temps, je l'avais déjà joué avec un pianiste mais j'étais moyennement content de ma version. Je me suis dit ‘’bon écoutes, tu travailles dessus, tu vois ce que ça donne’’. Et j'étais content du son, de l'interprétation, je trouvais que ça sonnait. Je trouve que la guitare elle marche bien et en fait c'est ça qui est difficile ; c'est à dire qu'au départ, on peut penser que c'est difficile à jouer - bon c'est pas facile à jouer - mais au delà de ça c'est de le faire sonner qui est difficile parce que c'est un instrument qui est différent du violon. Et donc, arriver à le rendre guitaristique, c'était compliqué. Donc ça m'a demandé du boulot et j'étais assez content du résultat, tu vois. Du coup, je l'ai mise. Je vois plus que l'outro de l'album, c'est terminer d'une manière un peu plus intimiste, à deux, avec la dernière note de fin. Je trouve que c'était une belle fin.


Et est-ce plus un hommage au compositeur ou à l’une de ses œuvres ?

Un peu les deux, parce qu'en fait, si tu veux, ce n'est pas un compositeur qui est très connu. Il est du début du siècle précédent et c'est quelqu'un qui faisait les morceaux un peu à la manière de quelqu’un. Ce n'est ni Mozart ni Beethoven. Mais c'était un violoniste qui était connu surtout pour les transcriptions de certaines œuvres. Et ça je crois que c'était un peu une pièce à la manière de Pugnani qui est un compositeur italien mais aussi une espèce de morceau d'examen pour un violoniste parce que t'as plein de passages, t'as des trucs lyriques, t'as des trucs presque baroques, t'as des choses qui sont très modernes. En fait, on dirait presque des trucs bluesy à un moment donné et c'était très en avance harmoniquement. Je trouve qu'il y a plein de choses comme ça que je trouvais réellement intéressantes. C'était ni trop pompeux, ni trop présomptueux, mais en même temps c'est un chouette morceau, il y a de belles harmonies. C'est un beau morceau, je trouve.


Le métal et le classique ont une base commune au niveau de la composition, mais est-ce qu'il y a quand même eu des difficultés à adapter ?

Alors si tu veux le métal et le classique, ça a démarré avec des gens comme Ritchie Blackmore, dans Deep Purple, où on a commencé à avoir des guitaristes qui ont intégré des arpèges classiques dans le hard rock. Puis après Rainbow, puis après tous les groupes comme Malmsteen, et puis après toute la flopée de guitaristes et de groupes qui ont fait cette espèce de mélange. Mais c'est parti un peu de lui, un peu de Ritchie Blackmore, et moi c'est parti de là aussi, mon écoute du classique. Je ne sais pas s'il y a des racines communes, mais en tous les cas il y a une histoire commune qui, par leur groupement à un moment donné, qui marche. En même temps, il y a énormément de musiciens néoclassiques de talents, et je ne veux pas aller là-dedans parce que je pense qu'il y a déjà tout ce qu'il faut, ils n'ont pas besoin de moi. Donc finalement, quand j'ai commencé la guitare, mes premiers albums, j'étais assez dans la vague néoclassique, on me mettait un peu là-dedans, mais il y a Malmsteen que j'adore, qui fait ça super bien. Je ne vais pas me mettre avec les autres, je vais essayer d'aller un peu ailleurs. Donc je suis parti vers les pièces réellement classiques ou alors des touches néoclassiques dans ce que je fais, sans tomber dans le trip du guitariste néoclassique. Donc j'ai essayé de faire une espèce de mélange personnel de ça.


Sur cet album, on retrouve plein de titres qui sont assez uniques, comme Invisible Walls, qui est très groovy, avec du slap et tout ça. D'autres titres qui ont des influences très Kansas, j'ai trouvé. Il y a le dernier titre qui est un hommage, et enfin, il y a le titre Now We're Home, qui a des paroles, et c'est le seul titre de l'album qui est chanté. Y a-t-il une raison particulière ?

Kansas, ça me parle, c'est un groupe que j'adore et en fait j'aime bien les musiques instrumentales, les morceaux longs, avec plein de climats différents. Et quand j'ai fait ce morceau-là, je trouvais que c'était presque un format de chanson, avec un solo par contre qui me correspondait réellement au milieu, un peu progressif, planant. Et puis au début, j'ai commencé à faire des mélodies à la gratte et de me dire je vais peut-être le faire. Et puis à un moment donné, je me suis dit “non, ce n'est pas ce que j'ai envie de faire. J'ai pas envie de faire de la musique instrumentale qui soit des chansons sans chant”. Il y a des gens qui font ça très bien, mais moi, c'est pas ce que j'ai envie de faire. Donc, à un moment donné, je me suis dit “bah ou je le vire ou je mets du chant dessus”. Et puis, j'ai pensé à Gaëlle, qui est une amie à moi que je connais depuis 15 ans. J'adore sa voix blues. C'est une nana talentueuse qui, en plus, a l'avantage d'être sympa, ce qui n'est pas évident pour une chanteuse (ou pour un chanteur d'ailleurs). Elle est cool, on s'entend bien, c'est une belle personne. Donc je lui ai demandé, je lui ai dit “tu ne peux pas me chanter un truc là-dessus ?”. Elle m'a fait un truc avec son téléphone et je me suis dit, “mais ça, ça peut marcher, ça”. Et donc, j'ai gardé ça dans le coin de ma tête. Et quand on est parti à la finalisation de l'album, je l'ai rappelé. J'ai dit, “alors tu es prête ?”. Elle m'a dit oui, on a parlé du texte et puis voilà. Et c'est aussi une histoire amicale parce que c'est quelqu'un que j'aime bien. Je voulais aussi des gens que j'aime bien. Je ne veux pas juste quelqu'un qui vient chanter et puis, salut, merci, c'est super. Voilà, je voulais qu'il y ait une vraie histoire. Je l'ai connue, elle n'avait pas encore fait ses premiers albums, elle était au début de sa carrière. C'est quelqu'un qui est passionné, qui se bat pour son truc, elle a une identité, elle est cool. Elle a une super voix, c'est une belle personne. C'est cool, on a besoin de gens comme ça.


Toujours par rapport à ce titre, tu arrives plutôt bien, même très bien, à transmettre les émotions via les riffs de guitare en général, via vraiment juste la sonorité et c'est ce qui offre aussi un côté plus subjectif pour l'auditeur, alors que les paroles c'est plus cash, plus posé. Qu'est-ce que toi tu préfères entre les deux ? Tu préfères le côté plus subjectif ou plus posé pour transmettre un message, une émotion ?

Je peux pas te dire en fait, j'ai pas en tête pour l'instant de faire un album chanté, là c'était ce morceau et la personne qui correspondait. J'avais envie de le faire. Un album chanté, je n'ai pas ça en tête pour l'instant. Mais c'est pour ça que j'ai aimé l'instrumental, c'est le côté suggérer quelque chose par un titre, parce que les titres sont des fois subjectifs. Je pourrais même les inverser. J'ai envie d'exprimer un truc et je donne un titre et les gens, avec le titre, la pochette et la musique, peuvent faire leur propre histoire. Et ça, ça m'intéresse. J'aime bien ce concept-là. C'est pour ça que je fais un album de guitare. Même si je suis guitariste, je ne voulais pas que ce soit un album que de guitare où les gens prennent uniquement le… “Qu'est-ce qu'il joue bien, qu'est-ce qu'il joue vite”. Je ne voulais pas que ça soit ça. Je ne voulais pas que les gens ressentent ça. Je voulais qu'ils arrivent à suivre mon truc et à voyager un peu avec moi en fait, c'était ça l'idée.


C'est justement là où j'allais en venir parce qu'on est sur des titres plutôt introspectifs par rapport à cet album. Est-ce qu'il y a un message que tu souhaitais faire passer à travers l'album ou pour toi c'est plus une expérience ?

C'est plus une expérience et c'est aussi un parcours. C'est à la fois une expérience sur les difficultés que j'ai eues mais c'est aussi ma vie. C'est-à-dire que ça a été difficile au début de me faire connaître, de faire un album. Il y a eu des épreuves, mais je n'ai pas lâché le bout et je suis encore là. J'aurais fait toute ma vie avec ma musique, ce qui n'est pas évident, on est en France, quand même. Ce n'est pas le pays du rock, je pense que tu l’avais remarqué. Donc si tu veux, je n'ai pas fait de compromis, j’ai réussi à aller au bout de mon truc. C'est pour ça qu'il y a Hold on to your dreams, il y a le côté positif où “accrochez-vous, faites quelque chose, défendez votre truc, soyez passionnés. Il n'y a pas de raison, ça va se faire.” J'ai aussi envie de pousser les gens à faire des choses. On est dans une période où les gens se filment beaucoup, se montrent beaucoup, ils nous filment leur pizza, ils nous montrent comment ils jouent vite des gammes. OK, c'est cool les gars, bravo. Vous buvez un coca ? Super… Mais à un moment donné, je trouve quand même cool quand les gens nous proposent quelque chose. Donc allez-y, composez. On a des formats étranges. C'était Instagram, maintenant c'est TikTok, c'est de moins en moins long. Bientôt on aura des formats de deux secondes et demie. Je me dis, moi j'arrive avec des morceaux de huit minutes. Mais je m'en fous, en fait. Il n'y a pas de loi qui te l'interdit. On dit qu’on est libre, mais en même temps, tu sais qu'en faisant un morceau de 10 minutes, tu ne passeras jamais à la radio, dans les radios majeures. Tu fais de l'instrumental, tu ne passeras jamais à la radio. Mais si demain, on mettait une loi en France en disant que les morceaux de plus de 5 minutes non chantés sont interdits à la radio, les gens seraient outrés. Ils diraient “non, c'est dégueulasse”. Mais c'est ce qui se passe.


Oui, c'est juste parce que ce n’est pas posé que les gens l'acceptent.

En fait, on a énormément de contraintes sur nos libertés. Déjà au quotidien, mais aussi pour les artistes, tu vois, avec des formats de plus en plus limités. On a aussi le problème de tout ce qui est utilisation du fond de catalogue, c'est-à-dire les tribute bands. J'ai plein de potes qui le font, je trouve ça cool, mais on est là-dedans. On est dans le hip-hop qui a aussi pas mal récupéré des choses existantes, l'IA qui va se servir de tout ce qu'on a fait. Donc il n'y a pas que l'écologie qui recycle, en fait. On est dans une période de recyclage de tout. Et à un moment donné, ça fait chier. Il faut aussi que les gens proposent des choses. Même si je ne suis pas un dingue de ce qu'ils proposent. Il y a des groupes comme Polyphia, comme d'autres, des groupes un peu de métal, de djent… Je ne suis pas forcément dingue de ça, mais je me dis qu’au moins les mecs proposent quelque chose, tu vois. Ils proposent un truc différent, ils composent, ils défendent, ils tournent. Bravo, foncez les gars, même si ça ne me touche pas des fois, ça n'a aucune importance. Ça touche des gens et au moins ils proposent, ils font des choses.


Oui, c'est le fait de se lancer, d’y aller et d'y croire.

Et d’y croire, oui. Il y a toujours beaucoup plus de raisons de ne pas faire les choses que de les faire. “Non, je ne vais pas le faire”, “ça ne vend pas”, “il n'y a plus de disques, on ne vend plus de disques”, donc tu ne le fais pas. Oui, mais… Pour moi, on se doit d'essayer.


Sinon, on risque de passer à côté de plein de choses.

Ce n'est pas parce que c'est comme ça là que dans six mois ce sera pareil. Qu'est-ce qui te prouve que demain, alors pas forcément moi, sûrement pas moi, mais un album instrumental ne va pas faire un carton ? On n'en sait rien. Tu ne peux pas me le promettre. Tu ne peux pas me dire “non, ça ne marchera jamais”. On n'en sait rien. Il peut y avoir un groupe comme Polyphia qui demain fait un truc qui fait un carton mondial et qu'il y ait plein de groupes qui sortent. On n'en sait rien. Donc si tu veux, si tu ne le tente pas, si tu te censures par les raisons de « il ne faut pas », ben tu ne le fais pas. Tu vois, on me dit le concept d'album c'est un peu fini, faire des albums c'est un peu fini, les maisons de disques ça n'a pas d'intérêt. Moi je veux faire le contraire, je m'en fous, il faut y aller, tant qu'on peut il faut y aller.


On n'a qu'une vie, il faut en profiter.

Exactement.


Alors pour en revenir à ce dont on parlait au niveau des collaborations. En 2024, par exemple, on te retrouve en collaboration avec Damien Capolongo, et c'est loin d'être la seule. Qu'est-ce que tu aimes le plus dans le fait de collaborer ?

Je ne sais pas si on peut vraiment parler d’une collaboration. Damien c'est quelqu'un qui adore ce que je fais, qui m'a demandé si je voulais venir jouer sur son album. Je trouve le mec sympa, ses compos sont intéressantes. C'est un mec qui se bagarre pour défendre son truc. Je me suis dit “je peux lui filer un petit coup de main, si ça peut l'aider, c'est mérité”. C'est un mec qui avance, justement, qui propose quelque chose. Donc voilà, je l'ai fait par amitié, je l'ai fait comme ça. Ce n'est pas une histoire d'argent. Je ne le fais pas tout le temps, j'essaye de lever le pied parce que sinon, tout le monde voudrait que je joue sur tous les disques. Maintenant, j'ai une maison de disque, je ne peux plus faire aussi totalement n'importe quoi avec tout le monde. Mais je trouve ça intéressant des fois de filer un petit coup de main aux gens. Pour moi, je prends plus ça comme un coup de main à quelqu'un et puis c'est cool c'est une expérience intéressante mais c'est fait à l'origine pour lui filer un coup de main, en tous cas dans ma tête.


Et quand tu collabores avec d'autres artistes ou comme avec Gaëlle sur cet album, qu'est ce que tu aimes le plus dedans, c'est le fait de partager les univers, de partager les avis…?

Ouais, les deux. C'est à la fois humain et… Moi, je ne dégage pas l'humain du truc. Gaëlle est venue chez moi, elle a dormi chez nous, chez ma compagne et moi à la maison. On a été faire le truc au studio, on s'est fait des bouffes ensemble. On a passé un bon moment ensemble, on a enregistré le truc, on a nos noms sur un titre ensemble. Je trouve ça cool. On se connaît depuis 15 ans, elle a sa vie, sa famille. C'est des parcours différents, mais on se suit, on se file des petits coups de main. Et voilà, je me dis que c'est un moyen de fixer les choses. On a pris du plaisir à le faire. C'était cool. Je suis content parce que c'est très différent de ce qu'elle fait habituellement. Donc ça montre aussi sa voix d'une autre manière. Moi, c'est un truc aussi différent de ce que j'ai déjà fait. Donc c'est bien pour nous deux. Et voilà, l'échange était cool. Le texte, on en a parlé un peu ensemble et elle a bien mis ce que j'avais en tête aussi.


Là, on parle de collaboration studio, mais il y a aussi des collaborations live, plutôt récentes d'ailleurs, et toujours en cours, avec le Guitar Night Project. Alors, comment cela est arrivé ? Parce que tous les trois, vous avez parfois collaboré l'un avec l'autre, mais jamais en trio jusque-là.

Non, alors si tu veux, c'est un truc qu'on a eu avec Pat. On se connaît depuis pas mal de temps et il m'avait invité à un concert où on avait joué ensemble, on s'était bien marré. C'était cool musicalement, c'est un chouette gars. Il y avait à l'époque Pat McManus qui tournait aussi, et on s'est dit tiens les 3 Pat, on est parti dans l'idée de faire des concerts des 3 Pat, ça nous a fait marrer, mais bon. On est parti sur cette idée-là, puis il y a eu le Covid, ça s'est arrêté net. McManus, après, ne pouvait plus venir. Mais on avait bien aimé le peu qu'on avait fait, et on a cherché un troisième gars et Fred est vite arrivé parce qu'on cherchait quelqu'un de différent de nous, plus blues, moins rock, quelqu'un qui a l'ouverture musicale pour pouvoir jouer avec nous. Et puis c'est pareil, c'est aussi quelqu'un qui est bien humainement, qui est bienveillant, qui est un super musicien et on a collaboré sur quelques dates. On va faire un album live, d'ailleurs, qui doit sortir à la rentrée. Et puis on a encore des festivals cet été, des dates à la rentrée. Mais sur ce projet-là, je n'intègre pas des titres de mon nouvel album. Je ferai une tournée dédiée avec mon groupe.


C'est exactement la question que j'allais te poser.

Donc, normalement, il y a des dates, soit fin 2025, soit plutôt début 2026 avec mon groupe, le groupe qui est sur l'album.


Eh bien, super !

Et par rapport au projet Guitar Night Project, parce que même s'il peut y avoir des similitudes, chaque guitariste a son propre style. Comment vous avez accordé vos différents univers musicaux, vos différentes influences ?

Si tu veux, l'avantage, c'est qu'on a plein de genres en commun. Alors Pat et moi, on est dans le même trip, donc on écoute les mêmes gens, il n'y a pas de soucis. Mais Fred Chapellier, qui est un guitariste plutôt connoté blues, en discutant, on apprit qu’il adore Van Halen, il adore Malmsteen, il adore Gary Moore, il adore… Voilà, il connaît énormément bien Michael Schenker, etc. Voilà, c'est quelqu'un qui a une vraie culture hard rock, il connaît vraiment bien. Donc il aime bien ça, il a bossé ça aussi. Donc si tu veux, même si c'est un guitariste de blues, il a quand même les notions. Il ne se dit pas “Qu'est-ce que c'est ?”. Il ne découvre pas le genre. Il connaît ça, donc si tu veux… Il n'y a pas eu vraiment de difficultés, le seul truc c'est qu'on s'invite mutuellement sur les morceaux de chacun. Le plus dur, en fait, c'est de jouer à trois guitares. C'est le volume des guitares et les fréquences pour qu'on entende tout le monde. C'est ça la vraie difficulté de jouer à trois guitares : c'est vite le bordel. Mais on arrive à gérer, globalement. Ça demande un petit peu d'adaptation mais on a réussi.


Je terminerai cette interview en te demandant, toi qui est très engagé sur un niveau pédagogique et enseignement, est-ce que tu as un message pour tes fans et tous les futurs musiciens qui te suivent déjà et pour qui tu es une inspiration ?

Moi j'aimerais bien qu'ils fassent de la musique, qu'ils composent et qu'ils jouent. Parce que si tu veux, c'est vrai qu'on est dans une période difficile économiquement et ça a tendance à pousser les gens vers la sécurité. Et quand je vais dans les écoles de musique, je me trouve devant quelqu'un qui est jeune, qui a 20 ans, et si on lui demande ce qu'il veut faire, le gars me dit que “je veux être intermittent du spectacle et tourner”. Et donc si tu veux, on rentre dans un truc super organisé, presque un plan de carrière. Alors que moi, à 20 ans, j'étais complètement à côté de mes pompes. Je voulais juste jouer de la gratte, jouer le mieux possible et faire des concerts. Mais je n'étais pas du tout dans la projection de carrière. Et je me dis, d'un côté, c'est bien, mais d'un autre côté, un artiste doit être un peu à côté. Faut être lucide, mais des fois, faut un petit peu rêver. Je pense qu'il ne faut pas abandonner ses rêves. Même si ça paraît impossible, faut quand même essayer. On n'est pas guitariste comme on fait autre chose. Alors je ne dis pas que c'est supérieur, ça ne te rend pas supérieur à un boulanger ou quoi que ce soit, mais ce n'est pas le même truc. Tu dois sortir des choses de toi, il ne suffit pas de travailler dur, de bosser ta gratte 8 heures par jour. Ce n'est pas que ça, c'est aussi sortir des choses de toi-même, essayer d'être différent, essayer de toucher des gens et il faut le faire. Je pense que la musique, c'est aussi ça. On se le doit, on n'a qu'une vie. Il faut essayer de sortir des choses qui n'ont pas été faites au maximum, essayer d'être le plus personnel possible, essayer de transmettre des émotions aux gens. Donc il ne faut pas lâcher ses rêves, il faut quand même continuer à rêver quand on est musicien. Il faut être lucide, mais pas que lucide.


Je te remercie beaucoup pour le temps que tu m'as accordé et pour avoir répondu aux questions.

C’est moi qui te remercie. Je suis là pour ça.

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