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Ghost - Skeletá : de l'ombre à la lumière


Ghost - Skeletá

La passation de pouvoir entre les papes a toujours été un moment fort chez Ghost, à mi-chemin entre le storytelling mystique et la stratégie artistique bien huilée. Avec Skeletá, Tobias Forge ouvre un nouveau chapitre – ou plutôt, il en continue un ancien avec des pages réécrites à l’encre des années 80. Exit Papa IV, place à Papa V, jumeau dans le lore, alter ego musicalement plus lumineux.


Dès Peacefield, l’ambiance est posée : riffs polis, chœurs soignés, un refrain calibré pour les arènes. Le clin d’œil à Separate Ways de Journey n’a rien d’un hasard – Ghost confirme ici sa mue arena rock, amorcée avec Prequelle et affirmée dans Impera. Missilia Amori poursuit dans cette veine, quelque part entre la flamboyance d’un Bon Jovi et les harmonies d’un Meat Loaf sous contrôle.




Car le principal reproche que l’on pourrait faire à Skeletá, c’est justement cela : une forme de redondance. Les balades Guiding Lights et Excelsis, bien que joliment exécutées, rappellent trop directement des titres plus marquants comme He Is ou Life Eternal. L’émotion est là, mais le frisson, lui, se fait attendre.


Mais ce serait passer à côté de la véritable nouveauté de cet album : les paroles. Tobias Forge délaisse les paraboles religieuses et les métaphores impériales pour une écriture plus directe, plus intime, parfois même désarmante. Et ce changement de ton marque une vraie rupture : Papa V n’est plus un conquérant en croisade, mais un personnage en introspection. Derrière le masque papal, on devine enfin des fissures terriblement humaines : l’amour, la dépression, le syndrome de l'imposteur, l’acceptation de la mort... autant de thèmes qui donnent à Skeletá une profondeur nouvelle.


Même si l’ensemble manque de morceaux immédiatement iconiques, certains titres comme Umbra, Satanized, Lachryma ou De Profundis Borealis renouent avec l’esprit du Ghost des débuts — plus théâtral, plus organique, plus énergique — et laissent entrevoir tout leur potentiel en live, où le groupe excelle à transformer une bonne chanson en moment de liturgie.


La production, elle, reste léchée : les guitares gagnent en présence, la basse est ronde et veloutée, les chœurs toujours impeccables. Car c’est bien cela que Ghost semble avoir trouvé : une identité sonore stable, un style qui n’a plus besoin de prouver quoi que ce soit.


Côté visuel, Skeletá marque aussi une nouvelle étape dans l’esthétique du groupe. Les costumes des Ghouls, déjà emblématiques, gagnent encore en sophistication : textures métalliques, lignes plus affûtées, silhouettes futuristes et presque androgynes. Quant à Tobias Forge, il opère une transformation plus marquante encore : Papa V abandonne le masque intégral de ses prédécesseurs pour un visage semi-découvert, laissant apparaître sa bouche. Ce détail, a priori technique, change beaucoup de choses. Il y a là une forme de libération – sans doute physique (on imagine aisément la difficulté de chanter masqué pendant deux heures), mais aussi symbolique. Papa V n’est plus un prophète masqué : il est un interprète incarné, plus humain, presque vulnérable. Une évolution visuelle en phase avec le ton plus direct et introspectif de l’album.



Avec Skeletá, Tobias Forge consolide le style qui lui correspond le plus. L’album ne comporte pas de tube instantané comme Square Hammer ou Dance Macabre, mais il pourrait bien s’imposer sur scène, où les morceaux prennent une autre dimension. Et si ce Papa V, avec son nom d’éternité (Perpetua), n’annonçait pas la fin d’une ère, mais plutôt le début d’une longue transition ? L’avenir nous le dira.


Le groupe sera en concert à Paris le 13 mai prochain à l’Accor Arena.

Ghost en France 2025

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